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21/02/2009

Le spationaute (7ème épisode)

Épisodes précédents dans la rubrique "Feuilletons", colonne de gauche

— Incroyable ! commença le général d'armée de terre, alors, ainsi, les Allemands auraient envoyé un homme dans l'espace 18 ans avant Gagarine !

 — Il faut le croire, soupira le général d'aviation, en tout cas, on n'a pas retrouvé la fusée.

— Oui, reprit le général d'armée de terre, mais d'après les renseignements collectés, il y aurait bien eu une fusée qui aurait été lancée à Belvédunes le 8 juillet 1943 au matin.

— Oui, repartit le général d'aviation, et apparemment ce n'était ni une V1 ou une V2.

— Mais alors, intervint l'homme à la fine moustache, les Allemands étaient donc arrivés à un développement technologique aussi important en matière de fusée ?

— C'est fort probable, répondit l'homme des services secrets. N'oublions pas que dans les années 60, les Américains avaient pris pas mal de retard par rapport aux Soviétiques. Or, ce retard a été vite comblé. Et même, le premier pas d'un Américain sur la lune prévu à l'origine pour l'année 2000, a eu lieu en fait en juillet 1969, grâce à Werner Von Braun, père des V1 et des V2, que les Américains avaient pris soin de récupérer à la fin de la guerre.

— Vous voulez dire, reprit le général d'aviation, que Von Braun possédait, dirons-nous, une sorte de botte secrète, dont l'origine serait peut-être l'envoi d'Émile Rivet dans l'espace le 8 juillet 1943 ?

— Qui sait ? fit l'homme des services secrets.

— En tout cas, repartit le général d'armée de terre, c'est quand même étonnant que les Allemands aient choisi Belvédunes pour faire leur expérience. Ils n'étaient situés qu'à une petite quarantaine de kilomètres de l'Angleterre, et la RAF aurait très bien pu bombarder leurs installations, voire leur précieuse fusée.

— Oui, mais ça se comprend, intervint l'amiral. N'oublions que les expériences spatiales de Von Braun ont été, paraît-il, effectuées en cachette des dignitaire du IIIème Reich. Hitler lui-même, n'aurait été au courant de rien. Alors, on peut imaginer qu'à l'origine, cette usine de Belvédunes devait servir de base aux lancements des premier V1 construits dans des endroits mieux protégés, probablement souterrains. Sa situation géographique, justement très proche de l'Angleterre, devant leur permettre de frapper durement ce pays. Von Braun ou l'un de ses collaborateurs, a peut-être profité des installations pour, dès 1943, expérimenter un programme spatial.

— Hum, fit le général d'armée de terre, ça me paraît quand même étonnant.

— Oui, mais, reprit l'amiral, d'après les renseignements recueillis, le 8 juillet 1943 au matin, il y avait un tas de navires de guerre allemands qui croisaient en Manche. À mon avis, cela aurait pu suffire pour stopper une incursion des avions de la RAF. Et d'une manière générale, la DCA était très active dans ce secteur.

— En tout cas, intervint l'homme des services secrets, d'après Émile Rivet, l'homme qu'il a rencontré, cet individu portant monocle, n'était pas Werner Von Braun. Ce n'est pas à cela qu'il ressemblait.

— Non, fit d'un ton moqueur l'homme à la fine moustache, celui-ci ressemblerait plutôt à un personnage de film des années trente ; une sorte d'Erich Von Stroheim tel qu‘il apparaît dans « La grande illusion », vous ne trouvez pas ?

— Peut-être, fit l'homme des services secrets, mais on ne peut pas mettre en doute la parole d'Émile Rivet. Il lui est bien arrivé quelque chose d'extraordinaire. Il n'a pas pu en tout cas se cacher durant 60 longues années et réapparaître avec l’aspect qu'il avait en juillet 1943 !

— Non, soupira l'homme à la fine moustache ; et c'est bien pour cela qu'après tout, l'important dans cette affaire, n'est pas tellement de savoir si oui ou non les Allemands ont été capables d'envoyer un homme dans l'espace en 1943 ; mais plutôt de parvenir à comprendre comment leur spationaute nous retombe dessus en 2003 sans sa fusée, avec la même tête qu'il y a 60 ans ; mais avec une autre combinaison spatiale ; et pour finir, persuadé que le 8 juillet 1943, c'était il y a seulement quelques jours !

— Au fait, demanda le général d'aviation, qu'ont donné les analyses de sa tenue, mais aussi ses examens médicaux ?

— Eh bien, soupira de plus belle l'homme à la fine moustache, tous les examens tendent à prouver que notre homme n'a toujours pas plus de 44 ans d'âge, et qu'il est en parfaite forme physique. Pour ce qui est du psychisme, c'est un peu moins brillant ; mais cela est bien évidemment la conséquence de ce qui lui arrive. N'importe qui serait un tant soit peu troublé en pareil cas.

Puis l'homme à la fine moustache s'interrompit quelques secondes avant de reprendre :

— Par contre, pour ce qui est de son équipement, c'est le trou total.

— C'est à dire ? s'enquit l'amiral.

L'homme à la fine moustache hésita encore, puis lâcha :

— Il semblerait que la matière ou même les matières le constituant, proviennent à la base de fibres, de roches, ou encore de produits de synthèse, totalement inconnus sur notre planète.

— Vous voulez dire, commença le général d'aviation avec un certain air moqueur, qu'Émile Rivet aurait...

— Je ne veux rien dire du tout ! le coupa sèchement l'homme à la fine moustache. En tout cas, il est bien certain que tout cela doit rester absolument secret. Il ne faut surtout pas ennuyer ni le président de la République, ni le Premier ministre avec ces histoires. La cellule de l'Elysée ainsi que celle de Matignon y veillent.

— Hum, fit l'amiral très dubitatif, il me semble que vous êtes plutôt optimiste.

— Optimiste ? s'étonna l'homme à la fine moustache.

— Oui, reprit l'amiral, comment voulez-vous garder secrète une pareille affaire ? Des gens vont parler, et les médias vont s'emparer de tout cela. Vous pensez bien, en été, une info de cette qualité, ils vont faire mousser au maximum.

— Ils ne feront rien mousser, car ils ne sauront rien, répliqua l'homme à la fine moustache.

— J'en doute, déclara le général d'aviation.

— Non, insista l'homme à la fine moustache. Émile Rivet va être prié de garder le silence, et il le fera, j'en suis sûr. Les deux policiers qui l'ont ramassé ont reçu des ordres de leur hiérarchie. Quant à son ancien voisin et les personnes qui occupent maintenant ce qui était sa maison, le maire de Belvédunes s'est chargé d'obtenir leur discrétion.

— À voir, fit l'homme des services de renseignement.

— Il l'obtiendra, s'obstina l'homme à la fine moustache.

— Mais, repartit le général d'armée de terre, il s'est paraît-il réveillé sur une plage où il y avait, je crois, pas mal de monde !

L'homme à la fine moustache fit un vague mouvement de la main, pour dire :

— Oh, c'était une plage naturiste. Les gens qui fréquentent ce genre d'endroit ne sont pas enclins à se mêler de ce qui ne les regarde pas. Seul les intéresse de pouvoir se prélasser nus au soleil. De plus, toujours d'après les renseignements recueillis, ils s'étaient juste un peu inquiétés en le découvrant, craignant qu'il n'ait eu un malaise.

— Mais il s'est promené... enfin, on l'a vu toute la journée dans Belvédunes, repartit l'amiral.

— Oui, mais ça n'a pas choqué quiconque, répliqua l'homme à la fine moustache. Après tout il n'avait jamais que l'aspect d'un banal motard avec sa combinaison et son casque. Même si comme je vous l'ai dit, tous deux n'ont pu être confectionnés sur la Terre.

— Bon, intervint le général d'aviation, si vraiment tout cela peut rester secret, c'est parfait... parfait pour tout le monde.

— Et que va devenir cet homme ? demanda d'un coup le général d'aviation.

— Émile Rivet ? fit l'homme à la fine moustache.

— Bien évidemment, répliqua le général d'aviation.

— Il voudrait retrouver son emploi de déménageur qu'il se sent parfaitement capable de reprendre, annonça l'homme des services secrets. Et le maire de Belvédunes s'est engagé à l'aider pour cela.

— Eh bien, qu'il redevienne un déménageur, conclut l'homme à la fine moustache. Et quant à nous, mettons un terme à cette réunion que nous oublierons, bien évidemment, sitôt sortis de cette pièce.

Tout le monde acquiesça de la tête, et l'homme à la fine moustache leva la séance.

 

***

"Qu'il redevienne un déménageur", avait déclaré l'homme à la fine moustache dont il n'est pas possible de divulguer l'identité. Et ce fut ce qu'Émile Rivet redevint. Le petit-fils de son employeur de 1943 qui avait repris l'entreprise familiale, cherchait justement à ce moment-là du personnel. À la demande du maire de Belvédunes, il l'embaucha, et Émile commença le travail deux jours seulement après que se fut tenue la mystérieuse réunion à Paris.

Nous étions donc à la mi-juillet, et les journaux locaux qui n'avaient pas eu vent de cette étrange affaire, n'en parlèrent absolument pas, se concentrant sur les diverses tournées d'été de cars-podium, transbahutant de plage en plage des starlettes d'émissions télévisuelles institutionnalisées, et sur les préparatifs de la fête des fleurs du mois d'août, l'un des temps forts de la saison estivale à Belvédunes.

De ce fait, on est amené à prendre en considération une nouvelle de science-fiction écrite par un certain John Wesling de Folkestone, et publiée trois mois après ces faits mystérieux dans une revue diffusée dans une petite partie du Comté du Kent.

Il s'agit a priori d'une œuvre de fiction dans le plus pur style des histoires d'anticipation des années 50/60, portant un titre absolument kitsch :  Des extraterrestres dans la dune. Comme on l'a déjà dit, "l'affaire Émile Rivet" n'a pas été divulguée par la presse, et encore moins la presse britannique ; ce qui fait que John Wesling n'a pas pu en avoir connaissance, pas plus d'ailleurs que quelqu’un d'autre. Par contre, on sait que l'intéressé a l'habitude de voyager l'été avec uniquement sa bicyclette, et qu'il s'est justement rendu dans le nord-ouest de la France en juillet 2003.

À partir de tout cela, il est fort tentant de trouver dans la nouvelle, Des extraterrestres dans la dune, une explication, ou tout au moins une partie non négligeable d'explication à "l'affaire Émile Rivet".

Voici la traduction de cette nouvelle, en plus écrite à la première personne, qui commence ainsi :

 

(dernier épisode samedi prochain)

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