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31/01/2009

Le spationaute (4ème épisode)

Épisodes précédents dans la rubrique "feuilletons" (colonne de gauche)

Émile se sentit soudain secoué de façon incroyable, tandis qu'il était complètement assourdi par un horrible vacarme, et que des gerbes de feu dansaient devant la vitre.

Mais il ne put suivre longtemps ce spectacle à la fois irréel et effrayant, car bientôt, alors qu'il sentait la fusée se soulever doucement, son corps se raidit brusquement. Puis, il eut l'impression qu'il rétrécissait, et fut aussitôt la proie de terribles convulsions. Il ferma les yeux à s'en faire exploser les paupières, serra les dents à se les broyer, et à l'ultime seconde où sa cervelle allait être expulsée de sa boite crânienne, il perdit connaissance, cessant ainsi de souffrir effroyablement.

 

***

Quand il revint à lui, quelques minutes, ou même peut-être simplement quelques secondes plus tard, il se trouvait allongé à l'air libre, et ne ressentait plus le moindre malaise ; comme si ce qui s'était passé précédemment n'avait jamais existé. En ouvrant les yeux, il découvrit aussitôt le ciel toujours bleu, aussi bleu qu'il pouvait l'être quelques instants plus tôt. Le soleil cognait toujours fort, et l'air était parfumé d'iode et de sel.

Il se tourna sur le côté, et découvrit deux paires de pieds nus et bronzés posés sur le sable fin et doré qui caressait maintenant sa joue. En soulevant légèrement les yeux, ce furent cette fois deux paires de jambes qui lui apparurent, également nues et bronzées. Toutefois, l'une des paires était poilue, et l'autre au contraire, parfaitement lisse. Alors, il souleva cette fois légèrement sa tête, et crut avaler sa salive de travers quand il vit un sexe d'homme, puis, tout à côté, ce qui était assurément celui d'une femme. Étant un célibataire endurci, il était moins familiarisé avec le sexe opposé, et cette vision le troubla. Il se redressa d'un coup, et s'appuya sur un coude. Assurément, il se trouvait en présence d'un couple entièrement nu.

Ainsi, selon lui, à cet instant, il était bien mort, et avait gagné le paradis. Ce qu'on lui avait toujours raconté à ce propos était donc bien vrai. Le paradis, c'était cela : tout le monde vivant nu au milieu de la nature. Mais non, il n'y était pas ; cela était censé être le paradis terrestre, celui d'où l'Homme aurait été chassé il y a bien longtemps. Le paradis après la mort, ce devait être autre chose. Mais quoi ? Émile ne savait plus rien, ne comprenait plus rien. Où était-il exactement ? Il était pourtant bien mort tout à l'heure, enfin il y a tout juste un instant, au décollage de la fusée. Sa tête avait explosé, et il n'avait pu survivre à cela. Aucun être humain n'était capable de survivre à cela.

Émile se mit debout sans la moindre difficulté, et vit alors que sur la plage il y avait plein de monde entièrement nu : des hommes, des femmes, des enfants même. Tout le monde nu ; le fixant, certains en murmurant.

Émile inclina la tête, pour cette fois se regarder, et à son grand étonnement, il s'aperçut qu'il n'était plus vêtu de la combinaison de cuir noir que le grand maigre lui avait fait enfiler tout à l'heure. À la place, il portait une autre combinaison d'une matière apparemment très fine, et d'une couleur grisâtre et scintillante. Il en était de même des bottes qu'il avait aux pieds, ainsi que de ses gants. L'intérêt premier de cette nouvelle tenue, était qu'elle ne le faisait pas transpirer, en dépit du chaud soleil qui permettait à tout les gens qui l'entouraient de ne pas porter la moindre pièce de vêtement.

Émile enleva l'un de ses gants, et avec ses doigts nus effleura l'une des manches de sa combinaison. Puis, il saisit fermement entre le pouce et l'index un morceau de l'étrange matière qui la composait. Celle-ci avait la singularité de paraître très solide, et de donner l'impression que l'on touchait un pétale de coquelicot, ou encore une aile de papillon.

Émile passa alors sa main en plusieurs endroits de sa combinaison ainsi que sur ses bottes, sous l'œil intrigué des individus nus.

Il se retourna, et à sa grande stupéfaction, découvrit l'usine qui tout à l'heure était en parfait état, complètement en ruine. Toutes les vitres étaient cassées, les murs présentaient d'énormes lézardes, et le toit était effondré. Mais c'était encore pire pour ce qui était des blockhaus qui entouraient l'usine. Ces derniers n'étaient plus que des vestiges. Des blocs entiers de béton s'étaient détachés de chacune de ces véritables forteresses. Elles étaient en ruine, comme l'usine. Mais comme pour cette dernière, on n'avait pas l'impression que cela provenait de combats. Il ne semblait pas que l'usine comme les blockaus eussent été bombardés ou même mitraillés ; on pouvait plutôt penser qu'ils avaient subi les assauts des éléments, l'usure... du temps. Or, pour Émile, cela ne pouvait être pourtant le cas, puisqu'il savait bien que tout était en parfait état il y avait au plus une petite demi-heure, quand il était sorti de l'usine avec les soldats et l'homme au monocle.

À propos de celui-ci, il se demandait où il pouvait bien être. Il eut tout d'abord envie de se rendre à l'endroit d'où la fusée était partie tout à l'heure... Mais à cette pensée, il fut pris d'angoisse. Il était bien monté dedans, et il se souvenait parfaitement du décollage... Alors, comment pouvait-il se retrouver sur la plage, hors de la fusée, et dans une nouvelle tenue spatiale ?

En baissant la tête, il aperçut un casque posé sur le sable. Il s'accroupit pour le prendre, et put parfaitement distinguer l'empreinte que son corps avait laissé sur le sable. En prenant le casque, bien que celui-ci lui parût d'une solidité à toute épreuve, il eut encore l'impression de toucher un pétale de coquelicot ou une aile de papillon. En tout cas, ce n'était plus le casque de tout à l'heure. Celui-ci était plus petit, avait une forme plus arrondi. La seule similitude avec l'autre, était qu'il était muni également d'une visière présentant un orifice pour l'alimentation en oxygène.

Émile partit finalement vers le sud de la plage, pour rejoindre le centre-ville, tandis que les individus nus qui ne lui avaient pas adressé le moindre mot, devisaient maintenant ensemble de façon animée.

Émile vit bientôt des blockhaus qui étaient situés sur la plage. Ce n'était pas le cas tout à l'heure ; tous ayant été construits dans les dunes. On eût pu croire que de nombreuses années s'étaient écoulées, et qu'avec l'érosion, les dunes avaient reculé, abandonnant en quelque sorte les blockhaus. Mais là encore, Émile savait que c'était impossible, bien qu'il dût reconnaître que les dunes lui paraissaient moins hautes que tout à l'heure ; comme si, elles aussi, avaient subi les effets du temps.

Il dépassa bientôt l'un des blockhaus situés sur la plage. Celui-ci paraissait un peu moins détérioré que tous les autres. Ce fut ce qui le fit se retourner dessus. Il vit alors qu'une petite pancarte avait été scellée sur le béton. C'était forcément l'état de relative conservation du blockhaus qui l'avait fait choisir pour y placer cette pancarte qui intriguait Émile.

Il s'en approcha pour pouvoir lire ce qui était écrit dessus ; et ce fut alors que tout ce qui l'avait étonné depuis qu'il s'était réveillé, lui apparut presque dérisoire, quand il lut d'une voix étranglée :

 

 

 Commune de Belvédunes

Plage Naturiste

Arrêté municipal du 14 avril 1987

 

 (la suite samedi prochain)

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