Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/01/2009

Le spationaute (4ème épisode)

Épisodes précédents dans la rubrique "feuilletons" (colonne de gauche)

Émile se sentit soudain secoué de façon incroyable, tandis qu'il était complètement assourdi par un horrible vacarme, et que des gerbes de feu dansaient devant la vitre.

Mais il ne put suivre longtemps ce spectacle à la fois irréel et effrayant, car bientôt, alors qu'il sentait la fusée se soulever doucement, son corps se raidit brusquement. Puis, il eut l'impression qu'il rétrécissait, et fut aussitôt la proie de terribles convulsions. Il ferma les yeux à s'en faire exploser les paupières, serra les dents à se les broyer, et à l'ultime seconde où sa cervelle allait être expulsée de sa boite crânienne, il perdit connaissance, cessant ainsi de souffrir effroyablement.

 

***

Quand il revint à lui, quelques minutes, ou même peut-être simplement quelques secondes plus tard, il se trouvait allongé à l'air libre, et ne ressentait plus le moindre malaise ; comme si ce qui s'était passé précédemment n'avait jamais existé. En ouvrant les yeux, il découvrit aussitôt le ciel toujours bleu, aussi bleu qu'il pouvait l'être quelques instants plus tôt. Le soleil cognait toujours fort, et l'air était parfumé d'iode et de sel.

Il se tourna sur le côté, et découvrit deux paires de pieds nus et bronzés posés sur le sable fin et doré qui caressait maintenant sa joue. En soulevant légèrement les yeux, ce furent cette fois deux paires de jambes qui lui apparurent, également nues et bronzées. Toutefois, l'une des paires était poilue, et l'autre au contraire, parfaitement lisse. Alors, il souleva cette fois légèrement sa tête, et crut avaler sa salive de travers quand il vit un sexe d'homme, puis, tout à côté, ce qui était assurément celui d'une femme. Étant un célibataire endurci, il était moins familiarisé avec le sexe opposé, et cette vision le troubla. Il se redressa d'un coup, et s'appuya sur un coude. Assurément, il se trouvait en présence d'un couple entièrement nu.

Ainsi, selon lui, à cet instant, il était bien mort, et avait gagné le paradis. Ce qu'on lui avait toujours raconté à ce propos était donc bien vrai. Le paradis, c'était cela : tout le monde vivant nu au milieu de la nature. Mais non, il n'y était pas ; cela était censé être le paradis terrestre, celui d'où l'Homme aurait été chassé il y a bien longtemps. Le paradis après la mort, ce devait être autre chose. Mais quoi ? Émile ne savait plus rien, ne comprenait plus rien. Où était-il exactement ? Il était pourtant bien mort tout à l'heure, enfin il y a tout juste un instant, au décollage de la fusée. Sa tête avait explosé, et il n'avait pu survivre à cela. Aucun être humain n'était capable de survivre à cela.

Émile se mit debout sans la moindre difficulté, et vit alors que sur la plage il y avait plein de monde entièrement nu : des hommes, des femmes, des enfants même. Tout le monde nu ; le fixant, certains en murmurant.

Émile inclina la tête, pour cette fois se regarder, et à son grand étonnement, il s'aperçut qu'il n'était plus vêtu de la combinaison de cuir noir que le grand maigre lui avait fait enfiler tout à l'heure. À la place, il portait une autre combinaison d'une matière apparemment très fine, et d'une couleur grisâtre et scintillante. Il en était de même des bottes qu'il avait aux pieds, ainsi que de ses gants. L'intérêt premier de cette nouvelle tenue, était qu'elle ne le faisait pas transpirer, en dépit du chaud soleil qui permettait à tout les gens qui l'entouraient de ne pas porter la moindre pièce de vêtement.

Émile enleva l'un de ses gants, et avec ses doigts nus effleura l'une des manches de sa combinaison. Puis, il saisit fermement entre le pouce et l'index un morceau de l'étrange matière qui la composait. Celle-ci avait la singularité de paraître très solide, et de donner l'impression que l'on touchait un pétale de coquelicot, ou encore une aile de papillon.

Émile passa alors sa main en plusieurs endroits de sa combinaison ainsi que sur ses bottes, sous l'œil intrigué des individus nus.

Il se retourna, et à sa grande stupéfaction, découvrit l'usine qui tout à l'heure était en parfait état, complètement en ruine. Toutes les vitres étaient cassées, les murs présentaient d'énormes lézardes, et le toit était effondré. Mais c'était encore pire pour ce qui était des blockhaus qui entouraient l'usine. Ces derniers n'étaient plus que des vestiges. Des blocs entiers de béton s'étaient détachés de chacune de ces véritables forteresses. Elles étaient en ruine, comme l'usine. Mais comme pour cette dernière, on n'avait pas l'impression que cela provenait de combats. Il ne semblait pas que l'usine comme les blockaus eussent été bombardés ou même mitraillés ; on pouvait plutôt penser qu'ils avaient subi les assauts des éléments, l'usure... du temps. Or, pour Émile, cela ne pouvait être pourtant le cas, puisqu'il savait bien que tout était en parfait état il y avait au plus une petite demi-heure, quand il était sorti de l'usine avec les soldats et l'homme au monocle.

À propos de celui-ci, il se demandait où il pouvait bien être. Il eut tout d'abord envie de se rendre à l'endroit d'où la fusée était partie tout à l'heure... Mais à cette pensée, il fut pris d'angoisse. Il était bien monté dedans, et il se souvenait parfaitement du décollage... Alors, comment pouvait-il se retrouver sur la plage, hors de la fusée, et dans une nouvelle tenue spatiale ?

En baissant la tête, il aperçut un casque posé sur le sable. Il s'accroupit pour le prendre, et put parfaitement distinguer l'empreinte que son corps avait laissé sur le sable. En prenant le casque, bien que celui-ci lui parût d'une solidité à toute épreuve, il eut encore l'impression de toucher un pétale de coquelicot ou une aile de papillon. En tout cas, ce n'était plus le casque de tout à l'heure. Celui-ci était plus petit, avait une forme plus arrondi. La seule similitude avec l'autre, était qu'il était muni également d'une visière présentant un orifice pour l'alimentation en oxygène.

Émile partit finalement vers le sud de la plage, pour rejoindre le centre-ville, tandis que les individus nus qui ne lui avaient pas adressé le moindre mot, devisaient maintenant ensemble de façon animée.

Émile vit bientôt des blockhaus qui étaient situés sur la plage. Ce n'était pas le cas tout à l'heure ; tous ayant été construits dans les dunes. On eût pu croire que de nombreuses années s'étaient écoulées, et qu'avec l'érosion, les dunes avaient reculé, abandonnant en quelque sorte les blockhaus. Mais là encore, Émile savait que c'était impossible, bien qu'il dût reconnaître que les dunes lui paraissaient moins hautes que tout à l'heure ; comme si, elles aussi, avaient subi les effets du temps.

Il dépassa bientôt l'un des blockhaus situés sur la plage. Celui-ci paraissait un peu moins détérioré que tous les autres. Ce fut ce qui le fit se retourner dessus. Il vit alors qu'une petite pancarte avait été scellée sur le béton. C'était forcément l'état de relative conservation du blockhaus qui l'avait fait choisir pour y placer cette pancarte qui intriguait Émile.

Il s'en approcha pour pouvoir lire ce qui était écrit dessus ; et ce fut alors que tout ce qui l'avait étonné depuis qu'il s'était réveillé, lui apparut presque dérisoire, quand il lut d'une voix étranglée :

 

 

 Commune de Belvédunes

Plage Naturiste

Arrêté municipal du 14 avril 1987

 

 (la suite samedi prochain)

26/01/2009

Une histoire de tueurs temporaires

Nous connaissons dans nos villes les enseignes des Entreprises de Travail Temporaire ou ETT. Je ne les citerai pas, je vous laisse le faire à ma place. Et si ces enseignes cachaient en réalité des entreprises de tueurs, et même de tueurs temporaires ? Cauchemar futuriste, ou réalité ? À vous de juger en découvrant ou en redécouvrant "ETT", en cliquant ici même.

24/01/2009

Le spationaute (3ème épisode)

Épisodes précédents dans la rubrique "Feuilletons" colonne de gauche

— Je n'ai pas vraiment le choix, soupira Émile.

L'homme au monocle qui gardait son pistolet pointé sur Émile, lui tapota amicalement le bras pour dire :

— Bravo, monsieur Rivet, je me doutais bien que vous étiez l'homme de la situation. Sachez que nous avons éliminé cinquante personnes avant vous, pour insuffisance physique, et... psychologique. Je vous informe de cela pour que vous soyez définitivement assuré que vous avez sauvé votre vie, mais qu'en plus, vous ne risquez absolument rien en embarquant dans notre fusée. Votre organisme peut parfaitement supporter cette expérience.

Émile ravala sa salive, tandis que l'homme au monocle le priait de bien vouloir reprendre l'escalier.

Il obéit, et descendit les marche de fer. Une fois en bas, l'homme au monocle ouvrit une porte, et invita Émile à le suivre. Il avait rangé son pistolet, jugeant apparemment cet accessoire complètement inutile désormais.

Il n'avait pas tord, car Émile était définitivement, irrémédiablement résigné.

Il sursauta toutefois quand il se retrouva dans une immense pièce éclairée par une myriade de petites ampoules fixées au plafond, où s'affairaient un tas d'individus vêtus de blanc. La plupart étaient assis derrière des écrans incrustés dans un immense tableau constellé de boutons et de voyants qui clignotaient. D'autre allaient et venaient dans la pièce où l'on pouvait entendre un léger bourdonnement assourdi, avec des fiches à la main.

À l'entrée d'Émile et de l'homme au monocle, ces derniers s'étaient figés d'un coup, et les individus derrière les écrans s'étaient retournés vers eux. Chacun se mit alors à regarder attentivement Émile, et l'homme au monocle prit la parole en français.

— Messieurs, annonça-t-il, je vous présente monsieur Émile Rivet qui va partir à bord de notre fusée.

Le son de sa voix était amoindri comme le bourdonnement continu, car les murs de la pièce étaient apparemment tapissés d'une matière isolante.

L'homme au monocle continua :

— Oui, monsieur Rivet va effectuer le premier vol orbital de toute l'histoire de l'Humanité. Plus tard, on se souviendra que c'est le 8 juillet 1943, qu'un homme a voyagé pour la première fois dans l'espace.

Tout le monde regardait Émile en hochant la tête, en silence, avec un sourire à la fois bienveillant et admiratif. L'intéressé en arriva même à oublier qu'il allait certainement exploser avec leur satanée fusée, et se surprit à répondre à leur sourire.

— Bon, trancha l'homme au monocle qui n'était pas le dernier à hocher la tête et à sourire, monsieur Rivet va maintenant se préparer.

Il s'adressa alors en allemand à un individu chauve, grand et maigre, avec une blouse blanche qui lui arrivait aux pieds.

Puis il s'adressa de nouveau à Émile comme pour bien lui signifier qu'il ne voulait surtout rien lui cacher.

— Vous allez revêtir votre tenue spatiale maintenant, monsieur Rivet. Cette tenue est absolument nécessaire pour effectuer votre vol autour de la terre. Pour cela, vous allez suivre ce monsieur.

Émile obéit une fois encore, et suivit le grand maigre qui l'amena dans une autre pièce.

Le grand maigre ouvrit une armoire métallique, et en sortit une combinaison de cuir noir. Il la tendit à Émile, sans rien dire ; mais celui-ci comprit aisément qu'il lui fallait l'enfiler. Pour cela, il ôta les chaussures de toile qu'il portait aux pieds, et passa la combinaison de cuir. Elle était parfaitement à sa taille, mais dès qu'il en fut vêtu, il recommença à transpirer, car le cuir ce n'était pas vraiment l'idéal compte tenu de la chaleur qu'il faisait dans la pièce.

Le grand maigre prit alors dans l'armoire une paire de bottes également en cuir. Il les donna à Émile qui les chaussa ; puis ensuite ce fut au tour d'une paire de gants bien évidemment en cuir, et enfin, le grand maigre tendit à Émile un énorme casque un peu comparable à celui des soldats allemands, et de couleur noire comme le reste de la tenue. Ce casque était muni d'une visière apparemment en verre, qui était pour l'instant relevée. Émile bouillait de chaleur, aussi s'abstint-il de coiffer le casque pour l'instant. Il le garda sous le bras, en pensant qu'il devait parfaitement ressembler à un motard ainsi, mais un motard du futur, qui allait en plus emprunter une bien drôle de moto.

Le grand maigre lui fit signe de le suivre, et Émile revint ainsi dans la première pièce.

— Parfait ! s'exclama aussitôt l'homme au monocle en le voyant. Vous voici donc paré de votre tenue de spationaute, monsieur Rivet.

Émile s'aperçut qu'il y avait maintenant dans la pièce des soldats portant leur fusil à l'épaule. Peut-être l'homme au monocle craignait-il qu'il se rebelle soudain ? Mais il n'en avait guère l'intention.

— Bon, fit l'homme au monocle, nous allons vous conduire jusqu'à la fusée.

Il se dirigea vers une porte suivi d'Émile et de deux soldats, l'ouvrit, et tout le monde se retrouva dehors, devant l'usine où le soleil régnait en maître

Il y avait une voiture munie de chenilles qui attendait Émile. Deux soldats prirent place à l'avant, et Émile et l'homme au monocle à l'arrière. La voiture à chenilles démarra aussitôt, et commença à rouler sur la plage. La marée était montante ; la mer se rapprochait tout doucement, mais il y avait encore du temps avant qu'elle n'arrive à la limite du sable sec. La voiture prit bientôt à droite une route qui avait été tracée à travers les dunes, et qui bien sûr, menait à la fusée.

Celle-ci, qui se dressait au milieu des dunes, paraissait immense à Émile, au fur et à mesure que la voiture s'en approchait. Bientôt le véhicule s'arrêta, à quelques mètres seulement de l'engin spatial.

La fusée qui était probablement en acier, faisait au moins une trentaine de mètres de haut, et facilement trois de diamètre ; sauf à son extrémité supérieure qui se terminait en pointe, et où avait été fixée ce qui semblait être une antenne. La fusée était posée sur une plateforme de béton de forme rectangulaire d'au moins 30 m2 de surface, qui avait été construite dans une cuvette que l'on avait creusée en déblayant des pans de dunes. Elle tenait sa stabilité de ses quatre pieds imposants qui partaient de sa base, et étaient constitués de pièces de métal très larges et de bonne épaisseur en forme de triangle. Juste à côté de la fusée, à peu près de même hauteur, semblable à une grue dont on aurait oublié de monter la dernière partie, se dressait une tour métallique. La fusée ne reposait pas en fait contre elle. Elle en était éloignée d'un petit mètre : la longueur de de la passerelle que l'on pouvait apercevoir à une vingtaine de mètres de hauteur, qui reliait la tour à ce qui devait être l'habitacle de la fusée dont la porte était ouverte. À l'intérieur de la tour, était fixée une échelle qui montait jusqu'à la passerelle. C'était bien là, à coup sûr, le chemin qu'Émile allait emprunter.

Il entendit un léger sifflement qu'il localisa comme venant du dessous de la fusée, d'où une légère fumée blanchâtre s'échappait.

— Bon, monsieur Rivet, vous allez pouvoir descendre, dit l'homme au monocle.

Dans les dunes, il y avait plusieurs blockhaus fermés par une vitre, derrière lesquels des hommes coiffés d'un casque d'écoute attendaient. Un peu plus haut, sur la crête d'une dune de bonne hauteur, il y avait des soldats, la mitraillette au poing, et également, trois énormes mitrailleuses pointées vers le ciel.

Émile se demandait si tous ces hommes allaient rester sur place à attendre que son cercueil volant n'explose.

Mais il n'eut pas le temps de méditer très longtemps là-dessus, car l'homme au monocle le pressa de descendre. Il s'exécuta, s'approcha de la tour métallique, et sans même qu'on lui en ait donné l'ordre, commença à grimper l'échelle, suivi par l'homme au monocle.

Il monta toutefois doucement, prenant le temps de savourer ses ultimes instants de vie. Il mit ainsi presque un quart d'heure pour grimper l'échelle qui était assez instable. Mais Émile n'était pas sujet au vertige, et n'en ressentit pas le moindre malaise. Une fois arrivé sur la passerelle, il vit qu'un câble reliait la tour au nez de la fusée. L'homme au monocle qui se tenait juste derrière lui, lui demanda alors de s'installer à l'intérieur. Avant de s'exécuter, Émile aperçut au loin un défilé de navires qui croisaient au large, formant une véritable barrière protectrice.

Il dut se contorsionner pour parvenir à prendre place dans l'habitacle de la fusée qui était beaucoup plus petit qu'il n'y paraissait de l'extérieur, du fait que les parois étaient recouvertes de cuir épais. Il était plus qu'à l'étroit, mais parvint quand même à s'installer sur un siège également en cuir, dont le dossier était un peu incliné vers l'arrière. Devant lui, il y avait une vitre légèrement fumée, qui lui permettait de voir les dunes à perte de vue.

L'homme au monocle qui s'était accroupi sur la passerelle pour pouvoir être au même niveau qu'Émile, lui demanda de mettre le casque qu'il tenait toujours à la main, sur sa tête. Avant de lui dire de baisser la visière, il lui expliqua que celle-ci était constitué, tout comme la vitre de la fusée, d'une nouvelle matière qui était appelée à un brillant avenir, et non pas de simple verre. Puis l'homme au monocle se saisit d'un tuyau qu'il fixa dans l'orifice dont était percée la visière. Il expliqua à Émile que cela allait servir à l'approvisionner en oxygène une fois qu'il serait dans la stratosphère. Émile l'entendit très difficilement à cause du casque qui amoindrissait le son de sa voix, mais aussi du sifflement venant de l'extérieur, qui paraissait gagner en intensité. De toute façon, il trouvait dérisoire que l'on veuille l'approvisionner en oxygène une fois qu'il serait dans l'espace, compte tenu qu'il ne croyait pas du tout qu'il y arriverait, que la fusée exploserait en mille morceaux au moment du décollage.

L'homme au monocle boucla une ceinture autour de la taille d'Émile, lui adressa petit signe de la main ; puis il se redressa, et le spationaute vit la porte de la fusée se refermer. Il faisait maintenant un peu sombre à l'intérieur à cause notamment de la vitre fumée, mais on devinait le soleil toujours lumineux et chaud.

"Vraiment une belle journée pour mourir", se dit Émile qui se demanda alors qui avait bien pu le dénoncer à propos de l'aviateur qu'il avait recueilli.

Il en avait une petite idée ; ses rapports avec son voisin d'en face, un homme aigri qui en avait toujours voulu à la terre entière n'étaient pas des meilleurs ; mais enfin, il n'était vraiment sûr de rien.

Il s'écoula un petit quart d'heure ; sans doute le temps nécessaire pour que l'homme au monocle puisse redescendre tranquillement et aller se mettre à l'abri, puis le sifflement gagna encore en intensité, tandis que devant la vitre de la fusée, s'éleva une épaisse fumée. Dans sa combinaison de cuir, Émile commençait à se liquéfier. Bientôt, malgré son casque, il eut les oreilles remplies d'un bruit de réacteur, et la fumée devint noire, plongeant presque l'habitacle de la fusée dans l'obscurité. L'engin se mit soudain à vibrer, et Émile entendit une espèce de voix radiophonique qui s'exprimait en allemand.

Puis un compte à rebour commença :

"Zhen, neun, acht, seben, sechs, fünf, vier, drei, zwei, eins..."

Le temps sembla d'un coup s'arrêter, puis la voix radiophonique cria :

"Feuer !"

(la suite samedi prochain)

20/01/2009

La fin du Calepin Jaune Éditions

Eh oui, l'aventure aura duré tout juste 2 ans. J'avais lancé plusieurs appels pour soutenir la maison d'édition, mais la décision a été prise la semaine dernière : mise en sommeil pour une durée indéterminée pour cause de manque de viabilité. Les publications prévues pour février de cette année, sont toujours au programme, ensuite...

Il y a eu l'Oxymore qui a disparu, Nuit d'Avril, le magazine Khimaira, et maintenant Le Calepin Jaune Éditions. Triste bilan. très triste même.

Et mon roman "Sandie" dans tout cela ?

Réponse sur le blog qui lui est consacré en cliquant ici-même.

17/01/2009

Le spationaute (2ème épisode)

Premier épisode dans la rubrique "Feuilletons", colonne de gauche

 

La bâche du camion était relevée, si bien qu'Émile put se rendre compte qu'il allait mourir par une superbe journée d'été, mais aussi que le camion roulait le long de l'avenue qui longeait la plage. Bientôt, toujours d'après le paysage qui défilait derrière le véhicule, il comprit que celui-ci prenait la direction d'un lieu appelé "Terminus", situé à l'extrémité nord de la station. C'était là-bas que se trouvait, construit dans les dunes, face à la mer, un bâtiment en béton, qui avait été conçu à l'origine pour accueillir d'anciens "poilus" de 14/18 ayant subi les méfaits du gaz moutarde. Mais lorsque l'ouvrage fut achevé en 1922, compte tenu de son aspect gris, rébarbatif, en opposition totale avec l'hôpital de la Plage qui lui avait été construit avec des briquettes rouges, on choisit plutôt d'en faire une usine de pièces mécaniques. Comme le bâtiment était largement à l'écart, à un endroit où les estivants ne se rendaient jamais, cela n'avait en rien nui à la renommée de Belvédunes Les Allemands l'avait bien sûr réquisitionné, et l’on disait dans la ville qu'il s'y .préparait de drôles de choses. Mais ce n'était que des rumeurs difficilement vérifiables, car comme pour l'hôpital de la Plage, tout le personnel avait été congédié et remplacé par des Allemands, et il était interdit d'approcher à moins de trois kilomètres de l'endroit par la plage. Un poste de contrôle avait par ailleurs été installé au début de la route qui permettait d'y accéder depuis la ville.

Le camion finit par s’arrêter derrière l'usine qui émergeait de hautes dunes de sable fin, piquées de-ci de-là de touffes d'oyats, et les soldats ordonnèrent par gestes à Émile de descendre. Entourant l'usine, il y avait plusieurs casemates de béton dont les fondations se perdaient dans les profondeurs du sable, que l'on appelait des blockhaus d'après les dires de certains. Toujours d'après ces dires, Hitler avait fait construire ces blockhaus sur tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord, afin de parer une attaque des Britanniques. Émile ne put s'empêcher de penser à toutes les rumeurs qui allaient bon train à propos de cet endroit, et ressentit une certaine angoisse. Mais il se ressaisit très vite. Après tout, que risquait-il de pire que d'être fusillé ?

Deux soldats l'encadraient toujours, et le conduisirent jusqu'à une porte en fer qui s'ouvrit d'un coup pour laisser apparaître le civil qui l'avait interrogé une semaine plus tôt. Celui-ci était encore en chemise et pantalon, mais portait maintenant un monocle qui relevait sa paupière droite.

— Bonjour, monsieur Rivet ! s'exclama-t-il. Et soyez le bienvenu. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer quelque chose de formidable.

Il parla aux deux soldats qui laissèrent Émile partir seul à la suite de l'homme au monocle qui le fit entrer à l'intérieur de l'usine. Ils se retrouvèrent dans une pièce étroite et faiblement éclairée ; suffisamment toutefois pour discerner un escalier en fer.

— Allez, monsieur Rivet, dit l'homme au monocle, montez donc cet escalier.

En même temps qu'il disait cela, il sortit d'un étui qu'il portait à la ceinture, un pistolet de bonne taille.

— Juste une petite précaution, précisa-t-il.

Émile savait de toute façon que ça n'aurait servi à rien d'essayer de se rebeller : le bâtiment devait être truffé de soldats en armes.

Il monta donc l'escalier, en sentant le souffle de l'homme au monocle dans son cou. Au fur et à mesure qu'il montait, il y voyait de plus en plus clair ; et pour cause, il arriva bientôt à l'air libre, sur le toit de ce qui avait été jusqu'en mai 1940, l'usine des Dunes.

— Admirez donc le panorama ! s'exclama l'homme au monocle.

Il était vrai que du toit de l'usine qui était en fait une dalle en béton faisant parfaitement office de terrasse, la vue était superbe.

On pouvait admirer la mer qui était retirée, bleu, calme, à peine ridée de vagues. On voyait également sur la gauche, quelques flobarts posés sur le sable ; ces bateaux à fonds plats constituaient en quelque sorte les vestiges de l'époque où Belvédunes vivait avant tout de la pêche. Un peu plus loin, apparaissait l'hôpital de la Plage qu'Émile avait eu l'occasion de bien connaître de l'intérieur, et non pas seulement par ses murs de brique rouge. Et bien sûr, on pouvait admirer la plage de sable fin, lumineuse sous le soleil et un ciel d'azur.

Mais il sembla qu'Émile ne regardait pas du bon côté, du moins au goût de l'homme au monocle.

— Mais regardez plutôt à droite, dit-il.

Émile s'exécuta, et découvrit, se trouvant à environ un kilomètre de distance, émergeant des dunes, ce qui semblait être une immense bombe, posée à la verticale, et donnant l'impression d'être appuyée contre une espèce de tour métallique à peu près aussi haute que le mystérieux engin.

Émile fixa l'homme au monocle d'un air interrogateur.

— Vous savez ce que c'est, monsieur Rivet ? demanda celui-ci.

Émile fit non de la tête.

— Vous n'en avez pas la moindre idée ? insista l'autre.

— Je ne sais pas, une bombe, peut-être ? hasarda Émile.

L'autre éclata de rire, puis, se resaississant, dit :

— Oui, après tout, ça pourrait en être une. Mais en fait, il s'agit d'une fusée. Vous avez déjà entendu parler des fusées, monsieur Rivet ?

— Heu... oui, fit Émile qui avait dû lire quelque chose un jour sur le sujet.

— Oui, une fusée ! s'enthousiasma alors l'homme au monocle. Une fusée qui va partir dans l'espace ; et qui va même tourner autour de la terre, puis revenir ; et cela dans moins d'une heure.

Émile ne cacha pas sa surprise, et l'autre continua :

— Sachez, monsieur Rivet, que le IIIème Reich a atteint un développement technologique très important. Si bien que d'ici environs cinq ans, le drapeau à swastika sera planté sur la lune ; planté par des officiers du Führer ! Seulement, chaque chose en son temps, et pour l'instant, il faut se contenter d'envoyer un homme dans l'espace et de le faire revenir.

Émile commença à transpirer abondamment, et pas seulement à cause du soleil qui cognait dur sur le toit de l'usine.

Cela amusa l'homme au monocle qui déclara avec un petit sourire :

— Je vois que vous avez compris, monsieur Rivet, que vous allez avoir l'honneur d'être le premier homme à voyager dans l'espace ; le premier spationaute de l'Histoire, qui va partir dans une fusée allemande. Mais rassurez-vous, vous êtes tout à fait capable de supporter une centaine de minutes dans l'espace, monsieur Rivet ; nous avons fait tous les examens nécessaires pour nous en assurer. Vous n'avez rien à craindre, vous reviendrez sain et sauf. Et vous serez fêté en héros. C'est pour cela que j'étais chagriné l'autre jour d'apprendre que vous n'aviez pas d'épouse, et pratiquement plus de famille... pratiquement plus personne pour se réjouir de votre exploit.

Émile souriait jaune, et de la sueur dégoulinait sur son visage.

— Avouez, monsieur Rivet, continua l'autre, que ce que je vous propose est quand même plus glorieux que de finir bêtement fusillé. Car bien entendu, si vous refusiez de faire ce voyage, c'est à cela que vous auriez droit : le peloton d'exécution pour intelligence avec l'ennemi ! Alors, vous acceptez ma proposition ?

(la suite samedi prochain)

13/01/2009

Goéliande

Très tôt en ce matin d’avril, le soleil avait percé les brumes, et baignait maintenant de sa chaude clarté le sommet de la falaise. Marchant sur un chemin de terre qui serpentait entre des buissons et des arbustes, Abigail, une jeune femme de vingt-trois ans vêtue d’une austère robe noire lui arrivant aux chevilles, s’avançait vers le bord du géant de grés et de calcaire qui surplombait l’océan, et au pied duquel venaient s’écraser les vagues. Elle s’immobilisa bientôt, laissant le vent jouer avec sa robe et sa chevelure brune, et fixa l’horizon. Ses yeux sombres, empreints de tristesse, restèrent en alerte, cherchant à découvrir au loin les voiles du Cor-Nac, un bateau de pêche dont elle guettait le retour depuis cinq ans.

C’était par une froide après-midi de janvier qu’il était parti, alors que de violentes tempêtes étaient annoncées. Mais le vieux Joss, le maître du navire, ne pouvait renoncer à aller pêcher la morue malgré le mauvais temps. Le Cor-Nac qui avait été autrefois un fier et solide morutier, emmenant souvent son équipages vers des eaux lointaines, était devenu au fil des années une triste carcasse, bonne à prendre une retraite bien méritée. Joss devait acheter un autre bateau, et ses hommes étaient prêts à faire front avec lui, à travailler sans relâche dans n’importe quelles conditions, afin de partir bientôt sur un nouveau morutier, un Cor-Nac flambant neuf. C’était donc pour cela que le bateau avait pris le large, la cale remplie de blocs de sel dans l’espoir d’une pêche abondante, malgré la désapprobation de tous ceux qui étaient présents quand il avait levé l’ancre. Parmi eux, il y avait Abigail, qui avait supplié Yann, un garçon de vingt ans qu’elle devait épouser une fois l’été venu, de renoncer à embarquer. Mais le jeune homme lui avait dit qu’il avait toute confiance en Joss, et que si le Cor-Nac n’avait plus vraiment fière allure, il demeurait néanmoins encore suffisamment solide pour affronter les pires tempêtes.

Abigail n’avait pu le retenir, et comme tous les autres, elle avait vu le bateau s’éloigner du port. Dès la fin de l’après-midi, le vent avait redoublé d’ardeur, et durant la nuit, la tempête en avait empêché plus d’un de dormir. Elle était demeurée violente pendant quatre jours et quatre nuits, et avait cessé d’un coup, à l’aube du cinquième jour, laissant la place à une matinée calme, qu’un soleil timide avait tenté de réchauffer. Abigail s’était rendu au bord de la falaise, tandis que d’autres avaient préféré se regrouper sur le port, commençant à espérer un miracle, priant pour le retour du Cor-Nac. À la fin de la journée, chacun s’était dit que le bateau était au moins parti pour une semaine, peut-être deux. Au bout de trois, on avait sonné le tocsin, chacun ayant compris que le Cor-Nac ne reviendrait plus, que l’océan retenait désormais le bateau et son équipage. Alors, Abigail s’était vêtue entièrement de noir ; elle était devenue la veuve de Yann, avant même d’avoir eu le temps de l’épouser. Dans les jours qui avaient suivi, elle s’était rendue deux fois à l’église. La première, pour la messe célébrée en la mémoire de l’équipage du Cor-Nac, et la seconde pour l’enterrement de sa mère qui avait succombé à une mauvaise bronchite. Abigail était restée seule dans sa maison de pierre, gagnant sa vie en réparant des filets de pêche. Elle travaillait la nuit, afin de pouvoir passer la journée au bord de la falaise, à guetter le retour du Cor-Nac. À cet endroit, elle avait connu aussi bien les chaleurs écrasantes que le gel et la neige, et avait subi autant les vents violents que les pluies qui la transperçaient jusqu’aux os. Mais elle demeurait envers et contre tout accrochée à l’espoir du retour de Yann qu’elle tenait pour une certitude. Elle arrivait tôt le matin ; repartait à midi pour se sustenter et prendre un peu de repos ; puis revenait jusqu’à la nuit.

Cela durait depuis cinq ans, et en ce matin d’avril où le printemps voulait s’affirmer, elle était fidèle au rendez-vous. Elle se tenait droite, humant l’air chargé d’iode et de sel, laissant le soleil caresser doucement son visage. Son regard se portait très loin, traquant la moindre trace de voile à l’horizon. Mais si quelques bateaux passèrent au large, ils n’empruntèrent pas la route menant au port. Au bout d’une heure, Abigail eut soudain envie de rentrer chez elle ; non qu’elle eût perdu l’espoir de revoir Yann ; non qu’elle fût lasse de rester ainsi immobile au bord de la falaise ; mais elle ressentait comme un appel. Il ne lui fallut pas longtemps pour rejoindre son logis tout proche. Et une fois arrivée devant la petite maison de pierre où elle était née, elle comprit qu’un esprit bénéfique s’était manifesté ; car contrairement à d’habitude, il y avait un homme qui attendait devant. Elle sut tout de suite qu’il était porteur d’une bonne nouvelle. Il avait sur lui de vieux vêtements très sales, et dégageait une puissante odeur. À coup sûr, il venait de loin, et avait marché longtemps. L’homme qui était un vieillard ridé, aux longs cheveux gris et raides, expliqua à Abigail qu’il avait cheminé pendant au moins deux bonnes semaines, pour faire le trajet depuis les dunes de Flandre jusqu’à son pays de falaises. Il ajouta qu’il avait trouvé sur une plage de la mer du Nord, une bouteille de rhum ; et que si celle-ci ne contenait plus la moindre goutte de tafia, elle renfermait par contre une feuille de papier. Il avait dû casser la bouteille sur un morceau d’épave échoué sur la plage, pour pouvoir libérer le message. Celui-ci mentionnait tout ce qui était utile pour parvenir jusqu’à Abigail ; alors le Flamand s’était mis en route, car la missive semblait importante. Il sortit d’une musette crasseuse le fameux message qu’il tendit à Abigail. Celle-ci appréhendait de le lire, tant elle était partagée entre un invincible espoir, et l’insondable crainte d’être amèrement déçue. Elle proposa une bolée de cidre au messager, plus pour reculer l’instant fatidique, que par gratitude ou hospitalité. Mais celui-ci refusa, disant qu’il lui fallait se remettre immédiatement en route. Lorsqu’il eut pris congé, Abigail lut avec minutie le papier jauni et froissé qu’elle serrait entre ses doigts, puis explosa de joie. Elle partit alors à toutes jambes, perdant en route ses sabots ; et ce fut pieds nus qu’elle arriva en ville et se précipita chez le père de Yann. Celui-ci eut à peine le temps de comprendre ce qu’elle lui racontait, qu’il se trouva entraîné vers le port. Ils y arrivèrent tous deux très vite, et entrèrent dans une taverne. Ils se rendirent à une table du fond où étaient installés quatre hommes sirotant de l’eau-de-vie. Abigail tendit le message au plus âgé qui portait une casquette de marin, et expliqua ce qu’il contenait. Le marin regarda la feuille d’un côté puis de l’autre, et hocha la tête. Il dit que d’après le message, Yann avait réussi à gagner une île peuplée de goélands. On parlait de cette île dans de très vieilles légendes ; mais à son avis, il était peu probable que Yann eût pu survivre durant toutes ces années dans un endroit sans aucun doute isolé. Abigail ne voulut pas en entendre davantage et perdre son précieux espoir, et se rendit chez Gwendoline, la druidesse. On la nommait ainsi, car bien que parfaitement chrétienne, elle n’en avait pas pour autant renié les religions de jadis, et possédait des pouvoirs bénéfiques. Elle la trouva chez elle, occupée à remplir d’un liquide ambré des bouteilles qui avaient contenu de l’eau-de-vie ou du cidre. Abigail lui parla du message qu’elle lui tendit, et la jeune femme rousse toute vêtue de blanc que l’on appelait la druidesse, poussa une grande exclamation. Elle déclara que Yann avait réussi à atteindre Goéliande, la terre sacrée des goélands ; une île merveilleuse située aux confins de l’Atlantique et de la mer d’Irlande ; et qu’il se trouvait sous la protection de Ler, le dieu de la mer que les Celtes des temps anciens vénéraient. Gwendoline incita Abigail à continuer d’espérer, et lui remit un flacon qui l’aiderait à combattre les fièvres qui allaient s’emparer d’elle jusqu’à l’arrivée d’un message magique.

Cette nuit-là, Abigail commença en effet à être la proie de terribles fièvres qui semblèrent ne plus vouloir la quitter. Elle ne dut sa survie qu’à la potion de la druidesse ; et un matin, elle fut réveillée par un chant étrange. Elle se leva, sortit de chez elle, et marcha en direction de la falaise. Elle trouva bientôt sur son chemin, perché sur une énorme pierre, un goéland majestueux qui déploya ses larges ailes et prit son envol. Abigail le suivit en pressant le pas jusqu’au bord de la falaise. L’oiseau marin se mit à planer avec grâce au-dessus de l’océan, et en regardant son plumage blanc agrémenté de touches de gris et de noir, Abigail songea que ce devait être d’une plume de goéland dont s’était servit Yann pour écrire son message. À l’horizon, le ciel devint soudain rougeâtre, et l’on eût pu croire que les vagues s’embrasaient. Éblouie, Abigail ferma les yeux, puis les rouvrit peu de temps après. Alors, elle vit une chose fantastique qui la stupéfia. Au loin, portée par l’océan qui avait recouvré une couleur d’azur, se dressait une immense plume piquée dans la crête nacrée d’une vague. Abigail regarda fascinée cette plume que l’océan amenait vers elle, cette plume qui semblait lui écrire dans le déroulement de la vague, le message magique annoncé par Gwendoline. Bientôt, la plume se mua en une voile blanche qu’un vent léger commença à gonfler ; et le frêle esquif qu’elle entraînait, pencha à tribord, puis prit tranquillement la direction du port, accompagné du goéland qui volait au-dessus de lui.

Abigail courut à toutes jambes à travers la falaise ; il fallait qu’elle arrive avant Yann au port, et soit surtout la première à l’accueillir.

Patrick S. VAST - 2005