19/01/2008
Éloge et promotion du point-virgule
J’ai vécu longtemps sans le point-virgule. Mon univers se limitait au point, ou à la virgule, ses deux composants que je ne pouvais me résoudre à unir, alors qu’un trait, justement d’union, a de tout temps été prévu à cet effet. Mais il faut dire que je ne le sentais pas ce point-virgule, je ne l’appréhendais pas. Il ne faisait pas partie de mon univers, de mon environnement, de mon quotidien. Une fois, je me suis forcé, et j’en ai placé un. Il faut dire que cela me chiffonnait de ne pas l’utiliser. Je regardais mes textes, constellés de points, de virgules, et jamais de ce qui devait pourtant être une véritable osmose, une subtile symbiose, puisque existant, et ayant toute sa place dans le vaste univers. Alors, après avoir respiré profondément, je l’ai placé ce point-virgule, entre deux propositions. Puis, je l’ai regardé, avec attention, et j’ai lu, relu l’ensemble. Non, décidément, je n’étais pas fait pour cette ponctuation, je ne parvenais pas à m’y habituer. Finalement, j’ai opté pour un banal deux points. Je dois reconnaître que j’en étais assez consterné, mais en même temps, plus à l’aise devant la feuille dactylographiée.
Et le temps a passé, et tout doucement, ce qui ne me semblait pas naturel, ce qui me mettait mal à l’aise, s’est imposé subtilement. J’ai d’abord placé un premier point-virgule, sans même penser à l’ôter cette fois-ci ; puis deux ; puis trois. Et c’était parti, j’étais devenu tout naturellement un adepte du point-virgule. J’ai réalisé combien il avait manqué jusqu’alors à mon univers, à mes écrits, à mes brouillons, à mes manuscrits.
Une autre vie d’écriture a aussitôt commencé pour moi. Tout me parut mieux. Les phrases se liaient de façon magique ; elles possédaient le tempo idéal ; jamais trop vite, jamais trop lent. J’écrivais en rythme ; c’était véritablement du jazz, tendance cool plutôt que be-bop, à la sauce années cinquante.
Et j’étais aussi content pour le lecteur à qui le point-virgule offre un confort de lecture certain. Il lui permet de laisser tomber la cendre de son cigare dans le récipient prévu à cet effet ; de croquer la pomme qui accompagne sa gourmandise d’imaginaire.
Qui n’a pas découvert les bienfaits du point-virgule, ne peut apprécier à juste titre la vie ; la savourer ; être un hédoniste du stylo.
Alors, vous m’avez compris, j’incite tout le monde à me rejoindre, pour faire l’éloge et la promotion du point-virgule ; pour faire éclater tout son charisme.
Tous unis, soutenons ce signe, et pour marquer toute l’emphase de notre détermination, ponctuons cette phrase d’un point… (non, pas virgule), mais (!) d’exclamation.
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